Joffrey Maluski – Islande, une traversée hivernale à vélo

Joffrey Maluski est photographe, vidéaste et avant tout aventurier passionné de sports outdoor. Et particulièrement d’expéditions extrêmes à vélo ! Nous avions déjà rencontré Joffrey à son retour d’Islande, après  28 jours et 1000 kms passés dans le froid. A l’occasion de la sortie de son film – que vous pouvez visionner en bas de cet article -, Adrien a eu envie de le rencontrer à nouveau.  

Adrien : Première question, qu’est-ce qui t’a pris de partir dans une telle expédition ? 😉 

Joffrey : L’été 2021, je suis parti en Islande avec deux amis pour un voyage de 3 mois et 3000 kilomètres. Nous avons parcouru la majeure partie de l’île, visitant les lieux célèbres le long de la Route 1, explorant les fjords de l’ouest et de l’est, et traversant les hauts plateaux du nord au sud et d’est en ouest. À mon retour, je n’avais qu’une idée en tête : revenir en hiver, lorsque l’Islande se révèle dans sa forme la plus sauvage. Deux ans plus tard, me voilà donc à tracer une ligne à travers la neige, de Seydisfjordur à l’extrême est, à Bjargtangar à l’extrême ouest, en passant au nord des trois grands glaciers de l’île : Vatnajökull, Hofsjökull et Langjökull.

Adrien : Tu avais un vélo de 78 kg. Comment on fait pour traîner un tel poids ? 

Joffrey : Il faut accepter d’aller doucement. Le 1er jour, je suis parti d’Egilsstadir pour faire un aller-retour jusqu’à Seydisfjordur, afin de vraiment commencer au bord de la mer. Mais pour y arriver, il fallait passer un col à 600 m. Avec 1200 m de dénivelé positif dès la première journée, ça m’a bien mis dans le bain ! Ensuite, dans les Hautes Terres, j’ai utilisé un fatbike avec une pulka. Cela m’a permis d’alléger le vélo pour rouler sur la neige et  de tracter vélo + pulka à pied si les conditions étaient trop difficiles.

Adrien : Tu dis aller doucement, à quelle vitesse moyenne avances-tu dans de telles conditions ?

Joffrey : Sur la route, je roulais à une moyenne de 10-11 km/h, tandis que dans les Hautes Terres, c’était très variable selon les conditions de la neige. Sur la glace, ça roule vraiment bien. Sur la neige dure, ça n’avance pas très vite, mais c’est un vrai plaisir ! Par contre, quand la neige est molle, il faut pousser le vélo…  Ma journée la plus rapide dans les Hautes Terres était à une moyenne de 5 km/h (46 km en 9 heures), et les deux journées les plus lentes étaient à 2,1 km/h (20 km en 9h40 et 18 km en 8h40).

Adrien : Et comment t’orientes-tu ? Est-ce qu’en plus d’un bon GPS, il y a besoin de connaissances particulières ? 

Joffrey : Pendant les mois de préparation, j’ai peaufiné chaque aspect de mon itinéraire, avec l’avantage d’avoir déjà traversé les Hautes Terres d’est en ouest durant l’été 2021. J’ai étudié les cartes sur Komoot et Google Maps Satellite pour repérer les rivières, les cabanes, et anticiper des itinéraires de secours au cas où il serait nécessaire de contourner une rivière trop dangereuse ou de quitter les Hautes Terres plus rapidement.
Une fois sur place, j’avais une carte, ainsi que la trace GPS sur ma montre et dans mon téléphone satellite. Côté nivologie, je me suis simplement assuré de ne pas emprunter de pentes trop raides (risques d’avalanches) ou de traverser des lacs gelés.

Adrien : Partir dans une aventure pareille, c’est forcément avoir des galères ou des imprévus. Quels sont ceux qui t’ont le plus marqué ? 

Joffrey : Je n’ai pas vraiment eu d’imprévus, car j’avais beaucoup travaillé en amont sur tous les risques qui pouvaient se présenter, afin de les aborder avec le plus de sérénité possible. Cependant, quatre principaux défis se sont présentés : les rivières à traverser, la neige fraîche et le dénivelé dans les montagnes au nord du glacier Vatnajökull, le froid intense (-21°C au thermomètre) au cœur de l’Islande, et enfin, une tempête de vent au nord du glacier Langjökull.

Pour le reste, il y a des hauts et des bas chaque jour. Quand un moment difficile survient, il faut patienter, essayer de trouver de la joie dans les petites choses, prendre le temps de regarder le paysage autour de soi, se rappeler pourquoi on est là, que l’on sait gérer ces moments et traverser cette phase, qui reste temporaire. Et même lorsque tout va bien, je pense qu’il est important de garder à l’esprit que cela peut ne pas durer, d’éviter l’euphorie et de se préparer aux défis à venir en gardant une bonne capacité d’adaptation.

Adrien : Je te cite, l’Islande c’est « affronter des températures extrêmes, des vents violents et des tempêtes de neiges. Accepter l’incertitude, l’inconnu et la solitude ». Comment tu vis tout ça ? Faut-il avoir un côté maso pour se lancer là-dedans ? 😉

Joffrey : Je le vis très bien parce que c’est ce qui me plaît. Je n’y vais pas pour me faire mal ou pour la performance sportive mais plutôt avec l’optique d’un voyage. J’adore les paysages enneigés, le froid intense et les défis que cela implique. Si je devais choisir un moment particulièrement marquant, ce serait lorsque je suis sorti des montagnes au nord des glaciers Vatnajökull et Tungnafellsjökull. J’étais seul sur mon vélo, au milieu de l’Islande, sous un ciel d’un bleu parfait, avec un grand soleil et un froid glacial. Les paysages environnants étaient époustouflants, et je roulais à une bonne allure en direction de ma prochaine étape, Laugafell, où une source d’eau chaude m’attendait.

Me retrouver seul dans ma tente au milieu d’une tempête au nord du glacier Langjökull, avec le vent hurlant à l’extérieur et la neige qui s’accumule autour de moi, a été une expérience inoubliable. Le bruit du vent sur la toile de ma tente, les rafales qui secouent les parois, et cette sensation de vulnérabilité m’ont forcé à rester calme et concentré. Il fallait accepter l’incertitude et l’imprévu, car tout pouvait changer en un instant. Mais c’est aussi là que l’on ressent la beauté et la force de la nature.

Adrien : Enfin, une question matos, comment tu le choisis pour de telles aventures ?

Joffrey : Je me suis équipé du meilleur matériel possible pour affronter les tempêtes de neige, le froid intense, les vents violents et être autonome durant ces 28 jours et 1000 km. La plupart de l’équipement avait été testé avant l’expédition pour avoir une totale confiance en lui. J’ai opté pour un fat bike équipé de pneus cloutés de 4,5 pouces et une pulka, un traîneau léger qui ressemble à une luge, ce qui m’a permis de décharger le vélo pour rouler sur la neige.

Mon équipement comprenait aussi une tente d’expédition polaire, un sac de couchage -30 °C, un réchaud à essence, une salopette de pêche pour traverser les rivières au sec, un piolet pour m’en sortir, et de quoi réparer tout mon matériel. Certains équipements étaient doublés, comme mes gants, mon téléphone satellite et ma lampe frontale. Ce qui a été le plus compliqué, c’était de faire un choix dans le matériel pour avoir tout ce dont j’avais besoin tout en maintenant un poids acceptable. Mon vélo pesait 78 kg au départ, dont 23 kg de nourriture. Pour conclure sur la Go’Lum, j’avais emporté deux Piom2 (au cas où j’en perdrais une) avec trois batteries. J’ai été très agréablement surpris par son autonomie et sa résistance au froid. D’ailleurs, je suis reparti avec une Piom3 en Laponie cet hiver, pendant la nuit polaire, avec des températures allant jusqu’à -30°C au thermomètre, elle était toute la journée sur mon casque et elle ne m’a jamais fait défaut.

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Adrien Grouès

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